Exposé sur les limaces
Première partie
Observation de la vie des limaces
Dans l’écosystème naturel, les limaces sont indispensables car elles ont de nombreuses fonctions :
Les limaces prédigèrent la matière organique morte (ou mourante) pour les décomposeurs plus petits, assurant ainsi le recyclage de la litière et la création d’un sol vivant, meuble et fertile. Elles sont même le premier maillon de la chaîne de décomposition de la matière organique ! Sans les limaces, ce recyclage serait impossible et si nous venions à les éradiquer, notre planète ressemblerait très vite à une vaste décharge puante… (Exception faite des zones où il y a des termites qui assurent cette même fonction).
Les limaces permettent le bon développement des champignons et en entretiennent même de vraies nurseries ! Et les champignons sont eux aussi essentiels car, indispensables à la création d’humus (*) et de réseaux mycorhiziens. D’ailleurs, certains champignons sont devenus totalement dépendants des limaces pour leur survie car leurs spores ne peuvent se développer que s’ils sont passés par leur système digestif …
Même le mucus que les limaces produisent, cette substance gluante qui leur donne cet aspect si dégoutant, est également indispensable pour l’obtention d’un sol vivant et nourricier car il participe activement à l’adhésion des particules du complexe argilo-humique, autrement dit il vous permet d’obtenir une structure de sol grumeleuse (*) et qui met à disposition les nutriments pour les plantes.
De plus, les bactéries du sol (elles aussi indispensables au même titre que les champignons), qui rappelons-le, sont dépourvues de système locomoteur, se servent volontiers des limaces comme taxi, profitant du mucus qui recouvre les limaces pour voyager en toute humidité vers un autre endroit.
Merci les limaces de m’aider ainsi à obtenir un tel sol grumeleux et fertile !
Les limaces sont aussi les championnes pour aider la biodiversité en régulant les plantules d’annuelles trop nombreuses et ainsi permettre un meilleur équilibre entre les plantes (elles éclaircissent les semis trop serrés) et elles grignotent les feuilles malades évitant ainsi la propagation des maladies cryptogamiques (*).
Donc oui, les limaces sont d’excellents auxiliaires de culture, elles nous permettent d’obtenir un sol meuble, aéré et fertile, un sol vivant riche en mycélium et en bactéries, et elles nous permettent même de contenir des maladies cryptogamiques bien présentes au potager comme le mildiou ou l’oïdium !
Et enfin, elles servent de nourriture à de nombreux auxiliaires qui nous débarrassent en même temps d’autres ravageurs.
Deuxième partie
Moyens de lutte classique – Avantages et inconvénients
- Les barrières physiques : tout le monde connait la cendre de bois, les coquilles d’œuf mais, dès les premières pluies, elles perdent leur efficacité et donc il faut renouveler avec l’inconvénient d’un excès de calcium et de potasse. Un paillage de bordure en broyat de ronces, de rosiers, de lin, de gaillet, de gratterons, de miscanthus ou bambou est une meilleure protection. Elle est durable et n’entraîne aucun déséquilibre du sol. Attention pour les coquilles d’œuf qui peuvent attirer les limaces si elles ne sont pas bien nettoyées avant de les sécher car l’intérieur contient de l’albumine dont elles raffolent.
- Des protections en plastique avec des déchets de bouteilles en PET.
- Poser des planches et les relever tous les matins. Donner la récolte aux poules et aux canards
- Une barrière en eau car elle ne pourra pas la traverser ne sachant pas nager. Pas simple à réaliser mais surtout à maintenir, surtout en cas de sécheresse mais à ce moment-là, elles n’ont plus beaucoup d’activité.
- Les nématodes (Phasmarhabditishermaphrodita) : C’est un petit ver parasite naturellement présent dans les sols français. Il s’attaque uniquement aux escargots et aux limaces.
- Et pour finir, les fameux granulés ferriques.
Les trois fausses solutions
- Piège à bière : Les limaces arrivent nombreuses mais la majorité d’entre elles ne boivent qu’un peu et se retirent ; Une minorité se noie. En revanche, vous avez attiré toutes les limaces de votre quartier dans votre jardin.
- Le sel déposé sur les limaces les fait mourir à coup sûr mais il faut les guetter et le plus simple et plus écologique serait, de les collecter et les donner aux poules ou aux canards.
- Le vinaigre blanc, mélange 50/50 eau, vinaigre blanc. Comme pour le sel, efficace si on pulvérise sur les limaces qui meurent dans d’atroces souffrances. Il vaut mieux aussi les ramasser et les donner aux poules, canards, carpes, oiseaux.
Troisième partie
Faisons des limaces nos alliées
Il est bien certain que ces petits ventres sans pattes peuvent causer de grandes pertes.
A chacun de mesurer la partie de leur récolte à laquelle ils veulent bien renoncer pour améliorer en finale la fertilité de leur sol.
Donc, apprenons à les élever où elles ne feront pas de ravages et acceptons de nous tromper parfois
Ce qu’il ne faut pas faire :
- Arroser le soir. Car comme elles sortent la nuit on leur offre une piste idéale pour elles.
- Repiquer en arrosant abondamment. Bien sur la piste est ouverte pour elles.
- Utiliser toutes les méthodes pour les détruire.
Ce qu’il faut faire :
Les limaces étant essentielles à la santé de notre jardin, plutôt que de lutter contre leur invasion, on va les accueillir en leur offrant un environnement adéquat. En procédant ainsi, non seulement elles délaissent nos légumes, mais en plus, elles travaillent le sol à notre place tout en nous aidant à garder, par exemple, le mildiou sous contrôle !
Mais comment faire pour leur offrir cet environnement idéal et cohabiter avec elles ?
Couvrir le sol en permanence de végétaux pour nourrir les limaces
Si votre jardin n’offre pas assez de lignine et de champignons à vos limaces, il est normal qu’elles dégustent vos jeunes plants (il n’y a qu’un seul plat au menu, elles font avec même si ce n’est pas leur préféré).
Commencez déjà par couvrir votre sol plutôt que de le laisser nu.
Sur un sol nu, les limaces ne trouveront à manger que vos légumes.
Vos dépôts de foin, paille, herbes tondues, restes de légumes et autres vont nourrir et abriter vos limaces en plus de tous les autres bienfaits que vous apporte cette technique de préservation du sol.
Alors oui, l’effet immédiat quand on commence à couvrir le sol de végétaux il se passe exactement ce qu’on cherche ici à éviter : l’invasion de limaces ! C’est d’ailleurs pour cela que beaucoup de jardiniers impatients abandonnent la méthode avant même de l’avoir testée plus d’une saison. Une fois de plus, avec le temps, l’équilibre s’installe. Et si une pullulation de limaces mettant en péril vos légumes est à craindre au début, leurs prédateurs arriveront dans un second temps pour réguler tout ce petit monde.
Un sol couvert de végétaux est un sol nourricier pour tout le monde.
Ce couvert ne suffira sans doute pas à rassasier l’appétit vorace des limaces, surtout si celui-ci n’est pas assez ligneux… ce qui est généralement le cas au potager où l’utilisation de bois est peu pratique pour couvrir le sol. Il va donc falloir nourrir les limaces, surtout au printemps quand elles se réveillent affamées !
Pour leur apporter de quoi les rendre heureuses toute l’année, bordez votre potager avec du bois, de préférence qui a déjà commencé à se décomposer (lignine + champignons = un buffet de roi pour les limaces !).
Au printemps, lors des semis et plantations, détournez leur attention ailleurs en déposant des déchets de cuisine (épluchures de légumes, vieilles feuilles de salade, pelures d’orange, …) ou en versant le fond de vos bouteilles de bière sur le couvert (plutôt que dans une coupelle pour les noyer).
Lorsque vous désherbez ou que vous récoltez vos légumes, coupez-les en laissant les racines dans le sol (sous le collet pour les adventices, 1 cm au-dessus du collet pour les légumes comme les salades, avec un peu de chance vous aurez une seconde petite récolte). Ces racines sont un mets de choix pour les limaces.
Un autre bon moyen de les nourrir facilement : laissez un ou deux choux fleurir au printemps plutôt que de tout récolter en hiver. Outre une floraison assez précoce qui va attirer les pollinisateurs et d’autres insectes utiles comme les coccinelles, vos choux non récoltés vont se ressemer abondamment (sauf si vous avez opté pour des variétés F1 stériles) et une multitude de jeunes choux vont émerger et ainsi régaler les limaces. En effet, les limaces ont un petit faible pour les plantules de brassicacées (famille du chou) qui contiennent une molécule indispensable à leur bonne digestion. Faute de choux à laisser fleurir, effectuez des semis de brassicacées (moutarde, colza, radis,…) dans un coin attribué pour nourrir les limaces.
Laissez également quelques adventices s’installer en bordure du potager et préservez des îlots de gazon non tondu (ou tondus beaucoup moins souvent), ces zones sauvages pourront nourrir les limaces et surtout accueillir la biodiversité et son cortège de régulateurs.
Arrosez les plantations avec des extraits de plantes détestées par les limaces comme le bégonia, la campanule, la capucine, le cyclamen, la menthe ou encore la lavande. Il suffit de laisser macérer l’une ou plusieurs de ces plantes dans dix litres d’eau puis d’arroser les zones à traiter avec la potion obtenue. On peut également planter ces végétaux à proximité des plantes dont les limaces sont friandes.
Protéger les plants les plus sensibles
Malgré un nourrissage abondant et la présence de prédateurs, vos semis et jeunes plantations risquent toujours de finir dans l’estomac de nos gloutonnes baveuses, surtout au début, tant qu’un réel équilibre n’est pas atteint. Et de nouveau, il ne faut pas en vouloir aux limaces car celles-ci ne font que leur travail : soulager des plantes en souffrance.
Lorsque l’on repique une plantule, on la stresse (changement d’environnement, perturbation du système racinaire, …), et une plante qui est stressée émet un signal de détresse que les limaces perçoivent très bien ; elles s’empressent alors d’accourir pour abréger cette souffrance…
De même pour un semis que l’on réalise, on force les graines à germer sans ménagement. Pour se donner une idée de ce qu’on leur fait subir, imaginez la différence que vous vivez entre votre réveil le dimanche matin, quand ce sont les rayons du soleil effleurant votre visage et l’odeur des croissants qui vous sortent du sommeil et celui du lundi, quand c’est la sonnerie stridente du réveil matin qui vous tire des bras de morphée… Vous comprenez maintenant pourquoi une plante dont on a forcé le semis, émerge plus stressée qu’une autre issue d’un semis spontané.
On va donc protéger ces plantes plus fragiles et appétissantes et en éloigner les gloutonnes.
Pour ce faire, il existe de nombreuses solutions à utiliser de concert :
Privilégiez l’utilisation de couverts peu appréciés des limaces autour des semis et jeunes plants comme les paillettes de lin, de miscanthus ou de chanvre, les fougères, …
Attention à l’emploi de marc de café ou de cendres comme barrière anti-limaces car pour que ce soit efficace, il faut les renouveler souvent. Or, ce sont aussi des engrais, et leur abus peut être néfaste (déséquilibre du sol, plantes plus sensibles aux maladies et ravageurs,…).
Installez des plantes répulsives autour et dans le potager ou utilisez-les en couverture autour des jeunes plantations : absinthe, ail, armoise, bourrache, cerfeuil, rue, sauge, tanaisie, thym, …
Couverts et plantes répulsives, protections individuelles, … les solutions sont nombreuses pour protéger vos jeunes plantes.
Utilisez des protections individuelles les premiers jours après la transplantation (le temps que la plante se remette de ses émotions) : placez les légumes sous cloche (en verre ou en plastique comme une simple bouteille dont on a coupé le fond et ôté le bouchon ce qui permet à la plante de respirer, mais attention à la surchauffe) et enfoncez-la légèrement dans le sol pour plus d’efficacité sinon les limaces auront vite fait de passer en-dessous, ou installez une barrière infranchissable pour limaces telles qu’une couronnes de branches très épineuses (mais il faut avoir de bons gants) ou de gaillet grateron, un mur de bogues de châtaignes, un anneau en cuivre (très efficace mais très cher à l’achat), …
Mélangez vos légumes, et même mieux associez-les correctement. Les plantes les plus appétissantes auront plus de chances de survie si elles ne sont pas confinées au même endroit mais bien éparses parmi les autres.
On va également mettre toutes les chances de son côté en ne transplantant que des plantes déjà bien vigoureuses et qui ont été correctement acclimatées au risque une nouvelle fois d’apporter une friandise pour les limaces…
À ce stade de la lecture, j’espère que vous concevez pourquoi vous n’avez laissé aucune chance à vos salades en les repiquant soit trop chétives, soit sans acclimatation dès la sortie de la jardinerie (où elles avaient été forcées sans ménagement) au milieu d’un sol désespérément nu …
Vaccinez vos plantules
Pas besoin de seringue pour vacciner vos plantules, il vous suffit de découper un petit morceau d’une de leurs feuilles 1 semaine ou 2 avant la plantation. Se sentant agressée, la plante va synthétiser des molécules de défense qui la rendra peu appétissante pour les gloutonnes, elle sera donc vaccinée…
Le mot de la fin
La solution est plurielle : pour gérer la population de limaces il faut agir sur plusieurs fronts, il faut apprendre la patience et à laisser faire la Nature (en lui donnant un coup de pouce au début) mais il ne faut certainement pas lutter contre elle en déclarant une vaine guerre contre les limaces !
À vous de voir maintenant si vous optez pour la solution de facilité qui finalement vous enfermera dans une lutte sans fin ou si vous décidez de changer de regard par rapport à ces braves baveuses et que vous décidez de cohabiter avec elles au risque de quelques pertes, mais surtout au bénéfice de votre écosystème jardin, de la santé de votre sol, de la gestion des maladies cryptogamiques et de votre tranquillité…
Si nous sommes obligés d’assassiner des êtres pour vivre
C’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas !